06. La pêche professionnelle au Léman (3/5)


3. En 1888, un pêcheur de Meillerie, Marie Lugrin dit Blonay, a l'idée de superposer des étoles et de les tendre verticalement au large. Ce filet pouvant atteindre 160 mètres de longueur et 25 mètres de hauteur obtient des résultats remarquables. Posé le soir, relevé tôt le matin, il supprime la contrainte de pêcher la nuit. Comme le pic est un filet flottant, non ancré sur le fond, il peut être entraîné par les courants et se retrouver dans les eaux suisses, où il sera à l'origine de nombreux litiges, parfois très graves, entre pêcheurs savoyards et gardes suisses.
Cette fin du XIX siècle bouillonne d'idées nouvelles dont les journaux se font largement l'écho. Ceux-ci, par leur humour acerbe et parfois par leur méchanceté, soutiennent les pêcheurs dans leurs luttes pour un règlement plus juste, des conditions de vie plus humaines. Le 15 mars 1895, le journal suisse Grütli donne le ton. Il engage tous les travailleurs à signer une pétition pour témoigner ainsi leurs sentiments de solidarité avec les pêcheurs, dont la position est des plus critiques. Les arrêtés, décrets, messages, conventions sont tellement nombreuses et compliquées qu'il est presque impossible à un père de famille, malgré les travaux les plus durs et souvent au péril de sa vie, de gagner de quoi nouer les deux bouts. […]
Ce journal poursuit : Les pêcheurs ont donc raison de relever la tête et de réclamer la révision de ces lois. S'ils n'obtiennent pas la victoire immédiatement, qu'ils ne se découragent pas, qu'ils s'unissent toujours plus fortement et qu'ils continuent calmement, mais fermement à présenter leurs revendications en se souvenant de la devise « Pour être forts, soyons unis». Que les pêcheurs s'organisent en syndicat et avec un peu de persévérance et d'énergie, ils verront peu à peu triompher leurs justes revendications. Un syndicat des pêcheurs vaudois sera créé peu de temps après.
Sur la côte savoyarde, le syndicat des ouvrier bateliers est né le 19 novembre 1893 et, le 19 janvier 1894, celui des ouvriers carriers de Meillerie, Thollon et Saint-Gingolph. Ces statuts prévoient entre autres choses que tout membre du syndicat qui chargera une barque non syndiquée ou chargera une barque le dimanche sera passible d'une amende de 5 F.