04. La pêche professionnelle au Léman (1/5)

par Robert Huysecom (extraits)

1. Le Léman, cette petite mer des Alpes, comme l'appelait le poète Lord Byron, envoûte tous ses visiteurs: peintres, musiciens, écrivains, curistes, touristes y ont trouvé sérénité et calme. Les paysages sont des cartes postales qui font rêver aux vacances. Des villes comme Montreux, Vevey, Evian, Thonon, Genève, Lausanne, Nyon, fières de leur passé, intégrées au XX° siècle, attendent sans peur le XXI° siècle.
Et pourtant dans ce monde dynamique où priment le rendement et la rentabilité, des familles vivent encore exclusivement de la pêche en eau douce. Plusieurs causes peuvent expliquer la pérennité du métier de pêcheur professionnel qui, né avec l'humanité, pourrait aujourd'hui sembler anachronique. C'est peut-être que face au développement rapide de notre région traditionnellement rurale, le maintien d'une sorte de garde-fou était nécessaire pour ne pas désavouer ses racines. Peut-être aussi, tout simplement, parce que dès le Moyen Age, le poisson du Léman est apprécié et recherché. Déjà vers 1595 Alphonse Delbène, Abbé d'Hautecombe, signale que du Léman, un poisson de fine saveur est expédié à Lyon par des attelages de chevaux pour gagner du temps.
Même avant cette date, le poisson ne représentait pas seulement une nourriture ou un objet de commerce, il était également symbole de prestige pour les seigneurs, les abbayes et les cités du littoral. C'est un cadeau protocolaire incontournable. Deux poissons valant jusqu'à huit florins sont offerts aux ambassadeurs du roi de France par la ville de Genève en 1461. Le 29 novembre 1776, le gouvernement genevois décide de remettre en cadeau à des personnes de distinction une truite du lac. En 1919, renouant avec cette tradition, les pêcheurs professionnels suisses envoient des truites aux députés, journalistes et personnalités qui les aident à lutter avec succès contre une motion vivant à restreindre d'une façon arbitraire et injuste l'exercice de la pêche professionnelle.
Au Moyen Age, le droit de pêche est un privilège important pour le seigneur et les ordres religieux. Plus tard une richesse pour les villes. Le poisson, à cette époque, est un objet recherché et apprécié mais celui qui le prend ne semble pas avoir grande importance. Sous l'Ancien Régime, les écrits concernant les pêcheurs sont rares.
La Révolution entraîne la suppression des privilèges de la noblesse, du clergé et des villes mais la vie du pêcheur ne s'en trouve pas facilitée: dorénavant, l'Etat exerce le droit de pêche à son profit et dans bien des cas, le pêcheur sera plus imposé encore que sous l'ancien régime.